Chaque histoire a sa dernière page… sa dernière ligne. Son dernier mot.
Nous y sommes… ça y est.
Je peine à l’écrire.
Dernière, semaine.
Derniers jours, avant le départ. (ou le retour… entendez le comme vous voulez)
(long silence)
Mais que cache cet adjectif « dernier » ? Le point… final ? Ou un point…virgule ? Des points de suspension ? Suspendus dans l’espoir… d’autre chose ? Un nouveau cycle… de vie ?
Je le rêve, oui.
Car c’est bien de cela dont il s’agit, que nous avons dit, écrit, remué, stimulé pendant ce beau temps partagé. Nous cherchions en effet, Barbara et moi, comment nommer cette récolte de fleurs hivernales, de textes aussi variés les uns que les autres, aux arômes si singuliers que vous avez écrits.
Quel serait en effet le dénominateur commun – ouh la la des mathématiques, revenons plutôt sur des notions marines, parlons plutôt de quille, oui la quille, cet élément du bateau permettant de prévenir les vents latéraux et servant de ballast pour maintenir le navire bien droit) – quel serait donc la quille de tous vos textes, leurs cohérences, leurs forces communes ?
Un mot a surgi, s’est révélé dans son plus grand dénuement, un verbe pour être exact. Et c’est bien lui – le liant de ces deux mois de résidence (à l’intensité émotionnelle particulièrement élevée je dois dire) : le verbe RÊVER
RÊVER…
En grammaire, le verbe est action, c’est lui qui actionne une phrase, lui donne son tonus : le moteur visible (il y en a bien d’autres évidemment) de la phrase. A l’infinitif ainsi écrit, le verbe RÊVER est désencombré de tout narcissisme, de toute préhension et s’offre ainsi dans sa lumière brute et presque aveuglante, indéfinissable… mais tangible.
C’est vraisemblablement ainsi que nous titrerons le livret qui verra le jour aux premiers pas du mois d’avril, lors de la mise en voix que nous réaliserons sur la scène polyvalente de Trestraou accompagné par un maître de shakuhachi* (flûte de bambou des moines japonais):
RÊVER
Hier… et maintenant (à Perroz !)
RÊVER, ou cinq lettres pour une quinte, quintessence de ce que nous avons traversé, partagé pendant deux mois ici, en ateliers, lectures, au comptoir de la ville, à travers la lande, les bruyères, au hasard d’une rue, d’un bistrot, dans la vallée des vallées, à la biblio, chez Tom librairie… bref, dans le plus bel écrin de l’hiver breton et de ce magnifique Trégor (remplacez la lettre G par un S)
C’est d’ailleurs en sortant de l’eau, après la nuit tombée tout à l’heure (il est presque minuit), titubant de froid sur le reflet de réverbères ensablés que je me suis à rêver… encore et toujours. Eprouvant la chance qui m’était donnée d’être – ici, la peau rougie d’eau salée et l’organisme aux fourneaux pour maintenir les 37 degrés nécessaires, vitaux.
Quelle chance – et quelle belle responsabilité (quelle joie aussi !) que de vous avoir accompagné depuis janvier, d’avoir pu séjourner parmi vous, d’avoir pu sculpter mon recueil prochain, éprouvant l’estran, l’éternité – et ses recoins, les personnes, d’avoir pu RÊVER ici, à Perroz, d’avoir été perrosien, oui, j’ose l’écrire !
Alors permettez-moi, pour ce dernier témoignage – semaine 7, de vous remercier, chacune et chacun en particulier (j’espère que vos oreilles sifflent à l’écriture de ces mots…) Merci.
(et je terminerai mon journal
– de bord, par quelques mots, sans point final évidemment
merci
merci à toutes – à tous
un grand merci venu du large
les ailes déployées et les yeux plein de sel
cinq lettres entrelacées pour une laisse de mer
ne pouvant – que s’écrire, s’écrire
sur une page de sable ordinaire
car comment dire…
le dire… tellement la gorge, serrée